La maternité est un territoire que les femmes se réapproprient, et les nouvelles idées liées au concept d'être mère sont beaucoup plus revendicatrices, beaucoup plus charnelles, beaucoup plus plurielles, beaucoup plus réelles.
L'art contemporain propose de nouveaux contenus, de nouvelles perceptions, et crée une nouvelle iconographie de la maternité. Il le fait avec des ½uvres pleines de symbolisme, très proches de l'idée de rêve, d'espace onirique, situées dans une réalité sensorielle différente. Elles sont réalisées, désormais plus souvent, par des femmes, et abordent des thèmes tels que la tendresse et la joie – mais aussi la peur – d'être enceinte ; la relation, pas toujours idyllique, entre la mère et l'enfant ; ou le désir parfois incontrôlable de faire l'expérience de la maternité.
Les Cartes a la mare (Lettres à ma mère) d'Elena del Rivero – une série qui compte actuellement plus de cinq mille ½uvres – est une grande frise évoquant à la manière d'une confession la relation abyssale avec sa mère. Sur de grandes colonnes de papier millimétré, avec un seul mot, mother, l'artiste fait affleurer les signes qui façonnent le combat de son for intérieur et nous fait part de ce qu'il y a de plus profond en elle : la rébellion, la culpabilité, la dénonciation, l'illégalité, la blessure. La vie tronquée par la castration féminine, comme des doigts et des langues coupés au sens métaphorique. NON. L'artiste exprime le conflit en le transfigurant, en le montrant, en créant de la beauté. Ces Lettres sont remplies de blancs, d'aiguilles, d'ordres, d'images, de broderies, de perles, de dessins d'enfants. On peut aussi les voir entièrement noires, juste avec le titre, avec le mot méticuleusement effacé par un voile de nuit et de douleur. Des images répétitives et minimalistes, réalisées à partir de la lecture de Lettre au père de Kafka : « La pureté du monde finissait avec toi et la boue commençait avec moi... ». Dans un manifeste de 1995, Elena écrit : « Je me demande parfois pourquoi es-tu si perverse, et crois-moi, je suis moi-même très perverse, si, si, si..., JE T'ATTENDS TOUJOURS. Le temps passe, et je t'attends toujours, mais oui, je n'y peux rien : JE TE DÉTESTE » (I sometimes wonder why you are so perverse, and believe me, I myself am very much so, yes, yes, yes,... I AM ALWAYS WAITING FOR YOU. Time passes and I keep waiting for you but yes, I cannot help it: I HATE YOU.)
Maria Josep Balsach Peig