José A. Donaire Benito
“Dans les années 70 l'image de la ville est déjà figée comme s'il s'agissait d'un tatouage, comme un graffiti.”
Une photographie est le fruit d'un choix. Parmi tous les instants possibles, l'appareil en saisit un seul. En ces années 60, l'œil photographique qui s'est porté sur la ville a choisi de montrer l'exposition florale de Sant Pere de Galligants, la procession du Corpus Christi et les Fêtes de la Devesa. Par ailleurs, la photographie occulte autant qu'elle montre : elle dissimule ici les cicatrices de l'après-guerre, de cette époque où Girona était encore une ville grise, une ville de militaires et de religieux, une ville craintive, cernée de murailles imaginaires. Plus tard, la Girona de carte postale sera fidèle à la carte postale de la ville. Tout commence avec la restauration des maisons sur l'Onyar, dont l'alignement dessine un skyline, un profil urbain qui deviendra la métonymie de Girona. Vient ensuite la revendication du passé juif de la ville. Girona s'enrichit d'un nouveau récit et se réclame de son passé. Deux nouvelles tesselles intègrent la mosaïque. Le tourisme connaît un important essor, qui n'est pas sans lien avec ce nouveau décor. Bientôt, plus personne ne collectionnera les albums photos. L'image numérique a tout changé. Elle a eu raison du bon vieil appareil. Les téléphones portables ont remplacé la rareté par l'abondance. Sans compter que depuis 2020, les masques cachent les sourires. Il n'y a plus d'images touristiques, parce qu'il n'y a plus de tourisme. Qu'est-ce qu'une ville touristique sans touristes ? Un lieu existe-il vraiment si personne ne le photographie ?
Dans les années 60, on photographiait les lieux emblématiques de la Girona historique avec des appareils comme ceux qui sont exposés ici. Ces photos étaient aussi diffusées sous forme de cartes postales qu'on envoyait à la famille et aux amis en souvenir d'une visite touristique mémorable. Le Rolleiflex TLR et le Bolex 160 Macrozoom font partie de la collection léguée au musée en 1993 par Josep Granés. Ils témoignent de l'époque où ces vieux appareils, qui n'offraient qu'un nombre limité de clichés, saisissaient l'âme d'une ville qui s'ouvrait au monde et que ce dernier découvrait à travers les cartes postales en couleur.